Nothing, le nouveau venu qui veut bousculer les géants du smartphone


Derrière l’entreprise, des ex-OnePlus, des investisseurs comme Google ou le père de l’iPod, des influenceurs de renom pour pousser la hype, des designers réputés, etc. Le tout pour une entreprise de droit européen à l’échelle déjà (presque) globale qui jure par le beau et voit en grand… mais prudemment.

Il y a un nouveau venu dans l’arène des smartphones. Ni mastodonte, ni totalement inconnu, ce petit Poucet s’appelle Nothing et vient de lancer son Phone (1), un terminal qui a comme première ambition d’être différent de la compétition. Un objectif déjà ambitieux dans un marché de un milliard de pièces annuelles !

Le Phone (1) de Nothing. (Adrian BRANCO / )
Le Phone (1) de Nothing. (Adrian BRANCO / )

Des inconnus au bataillon, il y en a des palanquées. Il y a les marques chinoises qui n’arrivent pas jusqu’à nos contrées européennes, celles qui vivent le temps d’un financement participatif, les tentatives, les projets plus ou moins futuristes. Et puis il y a Nothing, une marque à la fois toute petite, mais déjà grosse – plus de 300 personnes réparties sur trois continents. Une nouvelle entreprise (fondée fin 2020) mais avec des vétérans de l’industrie. Un nain par rapport à Apple et Samsung, mais qui a déjà levé plus de 140 millions de dollars – dont une partie des fonds d’investissement de Google.

Nothing n’est pas OnePlus (mais il en conserve des gènes)

Les supports de communication de Nothing pour son Phone (1) mettent en avant des perroquets. On pourrait donc vous ressortir l’image de « tel le Phoenix, le OnePlus original renaît de ces cendres ». Mais si l’entreprise est notamment pilotée par des anciens de OnePlus – Carl Pei, cofondateur de OnePlus, Akis Evangelis à la communication – le parallèle serait bancal. Car Nothing n’est pas OnePlus. Alors que le OnePlus original a littéralement inventé le concept du terminal au bon rapport qualité prix avec des composants haut de gamme (concept de « flagship killer »), Nothing met en avant non plus la puissance, mais le look.

Akis Evangelidis, responsable de la communication de Nothing.
Akis Evangelidis, responsable de la communication de Nothing. (Adrian BRANCO/)

« Notre première carte est celle du design et non celle des performances ou des composants de pointe », explique le directeur de la communication de Nothing, Akis Evangelidis. La raison étant qu’entre les débuts de OnePlus, il y a dix ans et aujourd’hui avec Nothing, les composants ont bien évolué. Et le Phone (1) n’embarque même pas de puce haut de gamme. « Les processeurs milieu de gamme sont désormais largement suffisants pour 90% des utilisateurs tout en coûtant moins cher et en consommant moins d’énergie », explique Akis Evangelidis. Le tout, sans vraiment sacrifier quoi que ce soit selon lui : « Nous avons choisi une puce qui est quand même de la gamme des SoC gaming de Qualcomm, nos utilisateurs pourront donc jouer sans souci ».

Ce choix de raison permet à Nothing de proposer un terminal dont le premier prix est en dessous de 500 euros – oui, comme OnePlus à l’époque. Un prix très en dessous des fleurons des ténors, mais qui ne cherche pas les marges minimales. « Nous ne voulons pas casser les prix ou être le meilleur rapport qualité/prix/performances. Nous essayons de faire en sorte d’offrir un bon équilibre. Et surtout de proposer un terminal qui soit identifiable du premier coup d’œil », détaille M. Evangelidis.

Design : une transparence en ôde aux années 2000

Dans une industrie qui vend des rectangles avec un écran d’un côté et une coque de couleur de l’autre, le défi pour être visuellement différent était de taille. Pour le relever, l’équipe emmenée par le hongkongais Carl Pei a directement embarqué dans son bateau les designers de Teenage Engineering. Une équipe d’artisans suédois un peu dingues et géniaux, spécialisés dans le design d’instruments de musique électroniques – claviers, synthétiseurs de poche, enceintes, etc. Mais qui touchent aussi aux polices de caractères, aux interfaces logicielles (ils ont développé une app musicale pour les Pixel, de Google), etc. Une équipe qui a été « intégrée à la structure même de Nothing pour prendre pleinement les commandes du Phone (1) », comme nous l’explique A. Evangelidis.

Si on sent la « touche » Teenage Engineering dans la surcouche Android du « Nothing OS », la spécificité du Phone (1) c’est-à-dire son dos rompt avec les codes du laboratoire de design. Et sonne plus comme une ode à la période fin 90/début 2000 avec ce travail de la transparence. Sous le verre de la coque arrière – obligatoire pour tout terminal voulant proposer la charge sans fil – les designers ont joué avec les LED, courbé les nappes électroniques pour leur donner la forme d’un éléphant, fait polir les vis, etc.

Le Phone (1) de Nothing. (Adrian BRANCO / )
Vous le voyez l’éléphant, vous ? (Adrian BRANCO / )

Difficile en regardant le Phone (1) de ne pas penser à l’iMac. C’est peut-être ce clin d’œil qui a incité Tony Fadell, père de l’iPod, à investir dans l’entreprise. En tous les cas, c’est sans nul doute ce qui a poussé les équipes de Nothing « à envoyer un terminal à Jonathan Ive », comme le révèle Akis Evangelidis.

Le name dropping est un des éléments de communication de Nothing. Si nous le récusons pour la plupart des produits grand public que nous testons, la vérité économique de ce terminal est que le Phone (1) ne cible pas les maniaques des processeurs les plus puissants, les acharnés des écrans 4K ou ceux qui cherchent la suprématie technique. Le cœur de cible est une clientèle plus sensible au look, au phénomène de communauté ou au discours d’approvisionnement écoresponsable (aluminium du terminal, papier et carton de l’emballage). Bref, pas vraiment des super technophiles.

(Adrian BRANCO / )

Est-ce à dire qu’il s’agit d’une entreprise d’opportunité qui créer de la hype pour faire une marque poudre aux yeux qui va s’effondrer en trois ans ? Tout porte à penser que cela ne soit pas du tout le cas.

« Nothing n’est pas un délire » (A. Evangelidis)

Rappeler que des anciens de OnePlus sont aux commandes du bateau Nothing est important, car si la marque est depuis devenue de plus en plus intégrée au géant Oppo, ce fut tout de même un succès. « Nombre d’entre nous ont quitté l’aventure OnePlus parce que l’intégration à un géant industriel comme Oppo impliquait de faire partie d’un groupe très – trop ! – rôdé », explique en souriant Akis Evangelidis. « L’initiative Nothing est née de l’envie de sortir de ce carcan, de faire des choses moins routinières. De renouer avec le fun dans la tech ». Cette « époque » de OnePlus est une des forces de Nothing, car elle a permis aux transfuges de se faire une expérience énorme. « Si on revient au premier terminal « Nord », OnePlus, c’était déjà 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires », s’enorgueillit Akis Evangelidis.

(Adrian BRANCO / )

Un succès qui a permis à Nothing de convaincre en amont et réaliser plusieurs collectes de fonds totalisant déjà 144 millions d’euros pour une prévision de vente de 700 000 terminaux cette année. Des chiffres tout à la fois importants, mais modestes dans ce marché. « Nous avançons prudemment. 144 millions ça paraît beaucoup d’argent, mais c’est le ticket d’entrée minimale dans ce business. Les frais sont énormes, les pressions énormes – il faut payer les composants sous trente jours, donc les dates d’annonce et de commercialisation sont calibrées au millimètre pour gérer la trésorerie ! ».

Paillettes de « stars » et un design qui a de « la gueule » d’un côté, calculs de comptable responsable de l’autre, Nothing fait attention à ne pas se brûler les ailes… et a « renoncé à lancer son terminal aux Etats-Unis cette année », nous apprend Akis Evangelidis. Pourquoi diable éviter l’un des plus gros marchés du monde où, avec l’exemple d’Apple, le design tient une bonne place dans le cœur des consommateurs ? « Parce que le marché US est ultra concurrentiel et très compliqué. Il faut avoir de gros soutiens, de gros volumes, un gros support. Nothing n’est pas un délire, nous avons l’ambition d’être une vraie alternative à Apple en matière de design, mais il nous faut avancer pas à pas. »



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